En février 2011 lors d’une visite de l’usine désaffectée de chaussures BIDEGAIN à Pau nous avons découvert les traces d’occupation récente d’une population familiale nombreuse.
Deux pièces, en particulier, ont attiré notre attention. Le mobilier en place, l’abandon de photos, d’objets personnels, de jouets, donnaient l’impression d’un départ précipité : Fuite ? Expulsion brutale ?…
Nous avons fait un relevé précis du site, pris de nombreuses photos, conservé un maximum d’objets à l’exception du mobilier lourd (Lits, matelas, tables, chaises) dont il nous serait facile de trouver l’équivalent.
Utilisant la démarche de l’archéologie de « sauvetage », notre travail permet de sauvegarder et de présenter un habitat éphémère de population migrante en France, au XXIème siècle, destiné normalement, comme tous les habitats de pauvres, à une destruction rapide.
« Sans trace, un homme n’existe pas. » Bertrand Tavernier : La vie et rien d’autre
Lorsqu’ils ne sont pas retenus dans des espaces de confinement : Camps de réfugiés, de concentration, d’extermination (Roms), centres de rétention, réserves, les populations « errantes » survivent, dans les interstices du territoire urbanisé: hôtels insalubres, décharges, squats, friches industrielles.
Pas de papiers, pas d’existence légale, pas de maison, pas de ville, pas de monument, pas d’Histoire, réservée aux occupants propriétaires donc légaux du Territoire. Les traces de leur passage sont brûlées, détruites au bulldozer. Sans trace, « ils » n’existent que comme phénomène économique, politique, comme une invasion parasitaire qui vient infecter notre société et dont il faut se débarrasser au plus vite.
Notre travail a pour ambition de les faire exister en tant qu’individus, en tant qu’humains.
Incendie camp Rom, Bobigny, 12 février 2014
Youssef Bouchia, Jean-Michel Baron, installation lors du festival ” Les Aventuriers”, Pau octobre 2014